IN MEMORIAM – Marianne DE DECKER

Un mot d’adieu pour notre amie Marianne.

Je me souviens de notre première rencontre, en 1989, qui a coïncidé avec la recherche d’acteurs et d’actrices pour la distribution dans la pièce YERMA de Federico Garcia Lorca. C’était encore dans le cadre de l’Atelier Théâtral des Institutions européennes. Tu as participé dans le chœur des Lavandières, un travail difficile a priori , parce qu’il fallait coordonner dans un rythme collectif imposé chant, gestes et mouvements avec un léger déplacement sur scène. C’était une chorégraphie lyrique qui te faisait quitter la sécurité de ta formation théâtrale académique. Mais tu l’as réussi en bravant les difficultés et cette réussite a ouvert le chemin pour notre collaboration artistique ultérieure, dans Good Old Europe et notamment après la création de l’Espace Scarabaeus.

Divers rôles t’ont été confiés avec succès lors de mes créations au Théâtre Scarabaeus. Je ne citerai que ceux qui ont marqué ta carrière de comédienne au niveau professionnel. Ainsi dans Les Don Juan tu as investi plusieurs rôles, y compris d’une Jeune fille amoureuse, d’une matrone sévère envers sa novice et d’un Serviteur comique du nom de Catalinon. S’essayer à des rôles d’hommes ce fut un défi pour toi, ainsi dans le rôle du Capitaine dans le Kouros de Nikos Kazantzaki. L’art n’avait pas de sexe ni de limites pour toi : une seule exigence, le travail du texte et du corps, la recherche de l’expression et de l’émotion, la justesse de la voix et du geste qui accompagnent la présence de l’acteur sur scène.

Chère Marianne, la scène fut ton royaume que tu as honoré de manière digne et inoubliable ; ainsi dans le rôle de la Reine Marguerite dans Le Roi se meurt d’Eugène Ionesco et dans celui de la Reine Clytemnestre dans Les Atrides, spectacle inspiré de l’antiquité grecque et composé par des textes poétiques de Yannis Ritsos.

La posie fut ton talent inavoué et tu nous as donné de beaux exemples de ton inspiration toi-même comme metteur en scène et poétesse à la fois.

L’âge avançant, ton amour pour les poètes français s’est imposé dans tes choix : tu as incarné le rôle de Phèdre et celui de Bérénice dans des pièces plus classiques comme celles de Jean Racine, l’alexandrin te fascinait jusqu’à ces derniers temps, où quand je suis venue te voir dans la Résidence, je t’ai apporté des pages entières choisies dans les dialogues émouvants entre Titus et Bérénice. Leurs paroles étaient toujours présentes dans ta bouche, seule la mémoire commençait à te faire défaut.  J’ai cru ainsi pouvoir t’aider à déjouer la maladie.

Chère Marianne, tu n’as pas été seulement une actrice d’exception pour moi en tant que metteur en scène et directrice de l’Espace Scarabaeus. Tu as été aussi une amie fidèle et sincère à tous points de vue ; nous avons partagé des moments de vacances en Grèce, chez moi paisiblement et dans nos excursions vers la montagne du Pélion, car tu aimais la marche particulièrement et les randonnées. C’étaient des sources d’inspiration poétique pour toi. Maintenant tout cela n’est qu’un souvenir, hélas !

Chère Marianne, nous te disons Adieu, avec beaucoup d’amour et d’amitié.

Bruxelles, 26 août 2024