
Triste nouvelle : Jean-Pierre nous a quittés ce Samedi 18 janvier 2025
Chers amis et amies, collaborateurs et artistes du Théâtre Scarabaeus,
Il me revient de vous annoncer que notre ami Jean-Pierre BARBÉ, qui a été un des piliers fondateurs de l’Espace Scarabaeus et qui a assuré son fonctionnement quotidien pendant 30 ans, avec un dévouement incomparable, investi lui-même en des multiples fonctions, vient de nous quitter dans la nuit du 18 janvier 2025.
La cérémonie des funérailles aura lieu le Vendredi 24 Janvier 2025 à 10h.00
A l’Église Sainte-Croix (Réunion devant l’Eglise à 9h.45)
Adresse : rue du Belvédère, 1050 Ixelles (près de la place Flagey)
(bus 71, 59, 38, 60 et tram 81, arrêt Flagey et parking souterrain : place Flagey)
L’inhumation aura lieu au Cimetière d’Ixelles le Vendredi 24 janvier 2025 à 12h.00
Adresse : Chaussée de Boondael 478, 1050 Ixelles (Arrêt du bus 71)
Cordialement,
Irene Chalkia, metteur en scène,
présidente de l’asbl Scarabaeus
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photo des répétitions J-P acteur dans le rôle de James (Dinner for One. Scarabaeus 2005)
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Photo Jean-Pierre acteur dans le role du Père (La Belle et la Bête, Scarabaeus, 2006)
In Memoriam Jean-Pierre BARBÉ
Cher Jean-Pierre,
Nos chemins se séparent, mais je pense que nous nous retrouverons dans une autre vie pour de nouvelles aventures.
Le théâtre nous a unis malgré toutes les difficultés personnelles et financières que nous avons dû affronter.
Nous avons travaillé ensemble pendant de longues années avec enthousiasme et amour et avec la confiance en des idéaux socio- culturels et artistiques que nous avons partagés – non sans disputes – au niveau de leur concrétisation au quotidien.
Le théâtre Scarabaeus a été notre enfant secret pour lequel nous avons investi tout notre amour, notre énergie et notre argent afin de le voir grandir au fil des années. Nous en étions fiers et il avait toutes les qualités matérielles et spirituelles pour nous accompagner jusqu’à la fin de notre vie, voire nous survivre avec succès. Il a soudé nos âmes à jamais.
Mais les autorités communales de Schaerbeek, où il a pris naissance dans un ancien site industriel que nous avons rénové et animé jour et nuit pour le plus grand plaisir des artistes et du public, ont été jalouses de son succès, nous ont abordés avec des promesses de partenariat qu’elles ont démenties par la suite avec la trahison de notre confiance et l’expropriation de ce bien qui représentait l’œuvre et l’aboutissement de notre vie active en association. Pour toi, il était beaucoup plus. Il était ta maison, ton foyer, ton corps et ton esprit, tes rêves et tes ambitions, tes joies et tes frustrations au quotidien. Ta vie dedans avait un sens supérieur à quelque profession que l’on exerce pour avoir un salaire, et ton dévouement était la preuve de ton attachement et de ta fidélité en notre relation. Ton amour, tu l’as exprimé par des actes dont la liste serait trop longue pour la mentionner ici. Tu t’es investi sans limites dans tous les domaines (administratifs, artistiques, techniques et logistiques) et tu as répondu présent à tous mes phantasmes et à toutes mes sollicitations pour la création et l’organisation des événements culturels à caractère européen et international. Tu as été mon soutien et la cheville ouvrière irremplaçable en tous lieux et toutes circonstances.
On t’a vu sur scène comme acteur talentueux dans beaucoup de mes projets (Le Petit Prince, La Belle et la Bête, Dinner or One, Terre des Hommes – Cité des Oiseaux, pour ne mentionner que quelques-uns) en régie technique ou sur un échafaudage placer et régler des projecteurs comme technicien-lumières avec une grande sensibilité aux nuances et aux couleurs, comme gestionnaire et serveur au Bar accueillir avec joie le public, et, lors de l’hébergement sur place des artistes étrangers, tu revendiquais avec honneur la place du chef en cuisine pour nous préparer des plats délicieux et originaux, dresser des tables surprenantes avec humour et ingéniosité.
Tu as été tout et partout dans ce théâtre qui nous a unis à jamais. Et dans tes heures solitaires, tu faisais la comptabilité, tu dessinais des plans pour l’amélioration des structures et de l’agencement des lieux, tu construisais des décors pour mes spectacles, tu peignais des tableaux pour ton plaisir d’artiste inavoué, et pour te distraire hors les murs de ce théâtre, tu faisais les brocantes, les magasins ou les salles de vente pour dénicher un meuble particulier, des accessoires ou des vêtements qui pourraient servir aux réalisations théâtrales.
La perte du théâtre Scarabaeus t’a brisé physiquement, moralement et spirituellement. Tu t’es retrouvé en maison de retraite pour continuer une vie monotone et insipide, loin de tout ce qui faisait ta joie de vivre. Je t’ai accompagné le mieux que j’ai pu.
Notre enfant a été tué, bafoué et démoli ; nous avons porté le deuil ensemble, mais la consolation n’a été que superficielle. Elle n’a pas pu atteindre notre âme qui reste et restera meurtrie jusqu’à la fin de notre vie, ce qui fut le cas pour toi, jusqu’à ton dernier souffle.
Comment t’exprimer mon Amour et ma reconnaissance d’avoir partagé si ardemment et sans répit le chemin de ma vie pendant 35 ans ? Ce fut notre vie commune sous le masque professionnel qui a caché pour longtemps nos vrais sentiments.
Maintenant, tu pars et le vide dans mon cœur s’élargit inexorablement : c’est un gouffre émotionnel et affectif qui s’ouvre devant moi.
Tu t’es battu toute ta vie en défendant la Justice et l’équité, parfois avec violence et démesure, en prenant des risques pour ta propre personne. Et l’injustice que nous avons subie avec l’expropriation du théâtre Scarabaeus a ruiné ta santé : l’impuissance d’agir devant la Loi et devant des faits accomplis par la ruse et par la trahison, a aggravé la maladie de Parkinson qui t’a foudroyé. J’avais besoin de toi pour continuer dans la création, mais tout s’est arrêté.
Ta sensibilité profonde a été une arme à double tranchant : tu as cherché à colmater les manques affectifs par l’illusion et les rêves que tu confondais souvent avec une réalité qui t’était devenue insupportable. Je le comprenais, mais je n’ai pas toujours pu être ta complice comme avant. Et cela t’énervait et a nourri une certaine agressivité de ta part envers la vie et envers tes soignants, fait qu’on n’a pas manqué de souligner dans ton dossier médical comme trouble de comportement. Ta vie était devenue très difficile dans les maisons de repos, toi-même balloté entre la conscience de la dépendance des autres pour les soins quotidiens, toi le fort et le généreux qui n’avait plus rien à proposer aux autres que des regrets et des hallucinations, et le désir de fuir vers un au-delà salvateur. Ce jeu implacable dans une réalité imposée par la maladie et les moyens mis à ta disposition t’a détruit totalement et de manière irréversible, car cette réalité ne correspondait plus du tout à tes rêves et à tes désirs.
J’ai essayé de t’aider avec ma présence quotidienne et ma compréhension, mais ces moyens ne suffisent pas quand on est affecté au plus profond de soi. La frustration s’est transformée en dépression, en repli sur toi-même, en silence impérieux devant les autres qui n’ont pas le temps d’écouter les sanglots de l’âme souffrante. L’amour ne procure que des étincelles passagères quand la souffrance prend le dessus et installe le désespoir pour un changement possible.
J’ai souvent senti mes limites et mon impuissance morale et physique pour t’aider efficacement. Tu doutais parfois de mon amour et tu regrettais le fait que nous n’ayons pas réussi à former un couple dans une perspective plus humaine, dans le quotidien d’une vie de deux personnes unies par le mariage. Pourtant nos âmes ont été scellées ensemble pour l’éternité.
Repose en paix, mon Amour, avec les acquis précieux du pardon et de la générosité de ton cœur.
Je te remercie pour ta fidélité et ton dévouement à nos idéaux communs, vertus humaines qui défient le Temps et la Mort.
Ta présence et ton nom seront à jamais gravés à côté des miens dans le livre de l’histoire du Théâtre Scarabaeus. Cette relation indissociable fut et restera notre mariage secret et mystique.
Je te remercie de tous les moments de Bonheur que nous avons vécus ensemble et qui ont consolidé notre relation. Nous avons œuvré avec amour et passion pour ce qui a été convenu et avoué comme notre objectif commun ; je t’ai donné de l’amour et tu m’as beaucoup aimée sans nous faire des aveux. Ça sera probablement pour une prochaine vie.
(Bruxelles, 18-19 janvier 2025) Irène Chalkia